Introduction (4) : Accorder l'État avec la justice par la raison

Cette question, par un long parcours de réflexion, peut être assumée à partir d'une conception du droit, comme norme et mesure rationnelle de toute prétention à la justice, et elle peut alors aboutir à la notion d'un État de droit, d'un État qui non seulement institue l'effectivité du droit mais fonde dans le droit sa propre institution, dans sa constitution.

Socrate dispose d'une autre voie d'entrée sur cette question de l'accord de la loi de l'État avec la nature de la justice : il l'aborde avec sa question "qu'est-ce que" ? C'est la question de l'essence, de l'ensemble des propriétés nécessaires et suffisantes pour définir une chose, pour que cette chose existe distinctement, dans sa nature propre.

Par la raison, dans le dialogue avec les autres, prolongement extérieur du dialogue intérieur de la pensée avec soi-même, Socrate recherche l'essence de la justice, sans jamais aboutir au savoir absolu de ce qu'est la justice, mais en réfutant les fausses conceptions de la justice, en discernant au moins ce qui ne peut pas être juste, compte tenu de ce que doit être l'essence de la justice.

La recherche rationnelle de Socrate paraît aporétique, car elle ne donne pas la bonne solution qui viendrait clore la recherche, elle expose seulement les raisons de l'échec des mauvaises solutions. C'est donc une recherche critique, qui distingue ce qui est correct de ce qui ne l'est pas, selon un critère rationnel, sans verser dans le dogmatisme où l'on prétend avoir atteint la vérité, ni dans le scepticisme, où l'on considère qu'on ne peut progresser vers une vérité qui doit rester inaccessible.

Sujet de réflexion : 

La justice morale ou politique et la justesse intellectuelle sont-elles deux vertus étrangères l'une à l'autre ?